Le premier s’appelle Nora. Il a un destin mélodramatique avec ses mariages ratés et l'agonie de son père. Nora a connu le pire et choisit de l'affronter avec légèreté.
Le second est burlesque : Ismaël est musicien, il est enfermé, contre sa volonté, dans un établissement psychiatrique. Il y dansera le hip-hop et sortira indemne des poursuites menées contre lui par les impôts grâce à un avocat aussi déjanté que lui.
Nora et Ismaël se retrouvent, puis s'éloignent l'un de l'autre doucement et définitivement.
Ces deux trajectoires qui se sont heurtées, se heurtent puis reprennent leur distance à nouveau sont comme deux cordes qui génèrent une mélodie au contrepoint aussi simple que les harmoniques sont complexes, riches et puissantes.
Ici, le regard du metteur en scène perçoit et dévoile la part de l'humain dans le moindre geste, ce qui rattache chacun de ses personnages à une humanité bien plus grande que le film lui-même. D'où sans doute les nombreuses références aux mythes classiques (via les affiches sur les murs, ou encore le dessin que Nora offre à son père).
Hommes et femmes y sont bien des rois et des reines, pris dans cette tragi-comédie implacable, la vie. Même Nora, personnage fermé et froid, se complexifie au contact des hommes qui ont fait sa vie.
Rois et reine est un film de ≪ famille ≫ : père trop aimant dans l’enfance de Nora, père généreux et juste d’Ismaël, volonté d’un père et refus d’un autre d’adopter un fils, incapacité de Nora à être mère, et cætera.
Dans l’une des dernières scènes du film, un homme et un enfant visitent le Musée de l’homme à Paris. Le cinéaste filme au plus près d’eux, l’exposition et l’espace du musée restant hors du champ. L’adulte explique à l’enfant, sans renoncer à ses mots d’adulte, pourquoi il ne peut l’adopter. Il dit les doutes, la culpabilité, le poids et les choix inhérents à la filiation.
Pierre Silvestri