La peur, l'hostilité et la violence se ressentent jusque dans Notre-Dame, lieu où le mariage est célébré. Les frères de Margot affichent une morgue sans retenue et ne cachent pas les relations ambiguës qu'ils entretiennent avec leur sœur. Margot est une princesse arrogante et volage. La reine Catherine ourdit un complot le jour même des noces de sa fille.
Chacune des parties cherche à en découdre et la maladresse de la reine mère couplée avec les ambitions contraires des divers personnages, sans oublier le goût du pouvoir des princes, feront basculer le pays tout entier dans un terrible massacre, six jours seulement après les noces. Ce sont ces sombres heures qui donneront à Margot l’occasion de découvrir des notions qu’elle ignorait jusqu'alors : l'altruisme, l'amitié et l'amour.
Patrice Chéreau dépeint une période finissante. Les Valois sont au bord de l'extinction, et les Bourbons, incarnés par Henri de Navarre, cible de cette famille, sont porteurs d'un renouveau politique. La famille royale est présentée comme une famille mafieuse et amorale.
La Reine Margot n’est pas un film historique. Ce n’est pas la prétention du cinéaste. En digne successeur de Dumas dont il adapte le roman, Patrice Chéreau a eu la volonté de mettre en mouvement le tableau noir de la légende. Contrairement à ce que le film dépeint, la cour des Valois de cette époque est resplendissante et la France connaît, après plusieurs années de guerre civile, une véritable renaissance culturelle et politique. Face au monde austère du protestantisme, tombé en désuétude, la cour est très loin du déclin mis en scène par Dumas et Chéreau.
Patrice Chéreau a su mettre en scène le coté sombre et obscur de la légende. On peut voir se dessiner un parallèle entre cette légende noire et les terribles guerres fratricides qui sévissaient à l'époque de la sortie du film en ex-Yougoslavie. À ce propos, le choix de Goran Bregovic (ex-Yougoslave de mère serbe et de père croate) comme compositeur de la musique n'est certainement pas fortuit.
Le sang, le sexe et la violence sont comme les motifs de ce film si pictural. Le jeu d'acteur est réellement impressionnant. Isabelle Adjani est royale en princesse sacrifiée, Jean-Hugues Anglade époustouflant de démence, Virna Lisi incarne une Catherine de Médicis absolument effrayante, calculatrice et vampirique. La sobriété de Daniel Auteuil est également à souligner.
La Reine Margot ressemble à une peinture flamande du XVIe siècle. La photo est superbe, les décors sombres et sobres, les costumes flamboyants, et la vision du Louvre que nous propose le cinéaste est inédite. Chéreau a réalisé un film extrêmement moderne, défenseur de la tolérance et dénonciateur des dictatures.
Pierre Silvestri