« Est-ce que tu m’aimeras quand je serai vieille ? » Dans le nouveau labyrinthe signé par Dominik Moll et son scénariste Gilles Marchand, la question de Bénédicte (Charlotte Gainsbourg) adressée à son époux Alain (Laurent Lucas) est une clé essentielle.
Lemming, film d’atmosphère, distille ce même venin anxiogène qui habitait
Harry, un ami qui vous veut du bien (2000), où l’on s’aventurait déjà vers des ambiances proches du surnaturel. On pense par exemple au doute obsédant de Bénédicte qui salit la façade blanche de son pavillon désincarné, comme à cette trace de sang qui semble ne pas vouloir quitter le mur de sa chambre d’amis.
Le deuxième long métrage de Moll est une œuvre de doubles, de vampires, de fantômes et de faux-semblants, de rongeurs suicidaires – à moins qu’ils ne se noient par épuisement.
La paire Moll-Marchand connaît ses classiques et parsème le film de quelques solides parentés : David Lynch pour l’hésitation fantastique comme un vertige au fond d’un couloir sombre ou pour le travail sonore très soigné, et Alfred Hitchcock pour sa bande sonore mais aussi son fétichisme morbide (lieux hantés, jeu de portraits).
Démarquage minutieux d’
Harry, un ami qui vous veut du bien,
Lemming en reprend le schéma amical et viril puis l’entraîne vers un récit amoureux et féminin. Il est question de deux couples et de ce que l’un pourrait devenir : un jeune ingénieur et son double qui est un homme lâche et décomplexé, une femme au foyer et son reflet qui est une dépressive suicidaire plongée dans un désespoir sentimental et jugée « étrange » par son mari qui ne voit même pas le mal qu’il lui fait.
Bénédicte est comme vampirisée par la femme du patron de son mari. Ce
Rebecca (film d’Hitchcock dans lequel une jeune fille est avalée par le fantôme d’une morte dont la photo issue du passé revient comme un refrain) new look se révèle très ludique.
Aidé par une distribution irréprochable (et de laquelle émergent les deux Charlotte, Gainsbourg et Rampling), Moll confirme son art des énigmes et des ombres, son talent pour naviguer entre quotidien et irrationnel, cette aisance à créer des atmosphères cauchemardesques à partir de petits riens : un intrus dans la chambre, un baiser volé, un rongeur dans une tuyauterie qu’on croyait aussi propre que la maison jusqu’ici bien tranquille…
Pierre Silvestri
posted by Pierre at 16:36| 奈良 ☁|
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