Après avoir exploré l'Espace et l'Histoire, l'horreur et la guerre, le crime et le désir, Kubrick, en 13 films, a couvert la plupart des genres tout en traitant de ses thèmes favoris. Parmi eux, on peut citer la violence qui est dans le cœur de chaque homme et tout ce qui en découle, notamment le pouvoir, la guerre, la bêtise...
Dans
Eyes wide shut, le docteur Harford incarné par Tom Cruise n'est pas différent des autres personnages kubrickiens qui sont tous prisonniers d'un système ou d'une éducation, confrontés à une situation extrême et exceptionnelle détruisant leurs rêves, leurs illusions, leurs ambitions.
L'Homme est la fascination de Stanley Kubrick dont il dresse un portrait cynique, analytique, amer, froid, et le laisse rarement s'échapper vivant de ses films. Il perd son innocence ou sa vie.
Généralement, l'Homme a le droit à sa rédemption, sa renaissance ; c'est là que se situe l’éthique de Kubrick.
Chacun a sa propre vision du sexe, et donc ses propres peurs.
Eyes wide shut ne parle pas de la sexualité de chacun, mais bien de la peur des individus face à leurs instincts, leurs idées, comme si c'était la seule chose qu'ils ne pouvaient pas contrôler, tout en cherchant à dominer leurs désirs et autres fantasmes.
Par rapport à
Rhapsody, la nouvelle d’Arthur Schnitzler dont le film est adapté, Stanley Kubrick a gommé tout élément psychanalytique dans son script et a rajouté un personnage milliardaire et mystérieux joué par le metteur en scène Sydney Pollack.
Jamais Tom Cruise et Nicole Kidman n'ont été aussi bien dirigés. Si Cruise s'aventure sur un chemin tentant, tortueux, terriblement dévastateur pour sa conscience, Kidman semble voguer sur ses fantasmes et son regard exprime avec intensité bien des sentiments et passions humaines.
Eyes wide shut touche de nombreux thèmes : la jalousie destructrice, le mensonge, l’institution du mariage, la confiance au sein d’un couple, etc.
La séquence d’orgie de la dernière partie du film est une sorte d’explosion orgasmique qui arrive après bien des frustrations sexuelles évoquées par le couple incarné par Cruise et Kidman.
Kubrick a osé affronter son pays, les États-Unis, sur son plus fort tabou (le sexe) avec sa plus grande star (Cruise). Son testament visuel est avant tout une vision éthique qui est tout sauf manichéenne.
Eyes wide shut analyse avec profondeur l'être humain et sa dépendance vis-à-vis des schémas qu'on lui impose. Le couple vedette réveille la part sombre qui est en chacun de nous, et dans une société qui a ses propres règles, essaie de la gérer.
Le dernier opus de Stanley Kubrick est un testament personnel dans lequel les idées, les principes, les valeurs philosophiques du cinéaste défunt circulent.
Pierre Silvestri