L'image de Sade (1740-1814) se résume le plus souvent au sadisme. De l'homme, on sait surtout qu'il a passé une grande partie de sa vie en prison pour avoir écrit des livres scandaleux (
La philosophie dans le boudoir,
Justine ou les malheurs de la vertu,
Les 120 journées de Sodome pour ne citer que les plus célèbres). Ce que l'on connaît beaucoup moins, c'est son rôle pendant la Révolution française. C'est sur cette période méconnue de la vie de Sade que se concentre le film de Benoît Jacquot.
Libéré en 1790 - à cinquante ans - des geôles royales, le marquis de Sade devient membre de la section des Piques dirigée par Robespierre. Il rédige plusieurs brûlots révolutionnaires. Mais ses origines nobles et sa sulfureuse réputation le conduisent de nouveau en prison en 1793. En effet, le très puritain Robespierre ne peut avoir la moindre compassion pour l'auteur de
Justine.
Du séjour de Sade dans différentes prisons pendant la Terreur, il n'existe à peu près aucun témoignage. Jacquot et son scénariste Jacques Fieschi ont donc pu introduire à loisir des éléments fictionnels. Ils ont imaginé que la maîtresse de Sade, Marie-Constance Quesnet (qui demeurera aux côtés de l'écrivain jusqu'à sa mort en 1814), séduit un dirigeant jacobin pour obtenir que son amour ne finisse pas sur la guillotine. De même, ils inventent un Sade qui profite de son incarcération pour monter une pièce de théâtre (il en a écrit plusieurs) et fait l'éducation sentimentale et sexuelle d'une jeune détenue de la haute noblesse.
Elle s'appelle Emilie de Lancris. C'est une adolescente exquise de naïveté, mais d'une avide et prometteuse curiosité. Pour Sade, la proie est à conquérir. Mieux, elle est l'élève idéale à qui inculquer son credo : la liberté est un tout, le bonheur et la prétendue immoralité ne sont pas ennemis, bien au contraire. L'initiation sadienne de l'innocente Emilie s'accomplit dans une scène où Benoît Jacquot manie avec un réel doigté la crudité et l'ellipse.
De ce film qui donne envie de (re)lire l'œuvre et de mieux connaître son auteur, il ressort des dialogues très travaillés qui donnent une bonne approche de la philosophie sadienne : « Suivez votre instinct. », « Il n'y a pas d'idées sans corps et pas de corps sans idées. », etc.
Donner corps à Sade n'est pas une mince affaire. Il fallait un acteur d'exception pour endosser ce rôle. Daniel Auteuil qui avait donné son accord dès l'écriture du scénario, se montre parfaitement à la hauteur de la tâche.
Pierre Silvestri
posted by Pierre at 01:31| 奈良 ☔|
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