Marco, écrivain d'une quarantaine d'années, et Benigno, jeune infirmier, sont assis l'un à côté de l'autre mais ne se connaissent pas encore, lorsqu'ils assistent au spectacle de Pina Bausch intitulé
Café Müller. Plus tard, Benigno raconte sa soirée à Alicia, jolie jeune fille dans le coma, dont il est l'infirmier amoureux depuis des années.
Marco, lui, commence une histoire avec Lydia, femme exerçant la profession de torero, qui, à son corps défendant, va l'amener à rencontrer Benigno et ainsi donner naissance à une amitié forte, compliquée et ambiguë.
C'est cette amitié que nous narre Pedro Almodovar en faisant émerger deux thèmes cruciaux : la solitude et la parole comme antidote.
Tous les personnages sont victimes de l’état de solitude : des femmes, coupées du monde dans leur coma, aux hommes, qu'elles ont abandonnés, en passant par les personnages secondaires ou même le taureau, qui se retrouve seul au milieu de l'arène. Ainsi, se croisent des destins qui portent en eux une blessure profonde. Celle-ci les met en face d'une solitude mortelle car c'est dans l'Autre que se trouve la preuve de notre existence. C'est son regard qui nous donne forme et son absence qui provoque notre déliquescence. Cela, Benigno l'a compris, pas avec son intelligence, mais plutôt grâce à un pragmatisme du cœur que seules les âmes simples peuvent atteindre. Et cette connaissance, il la partage avec Marco, l'intellectuel. Par ce biais, les deux hommes peuvent exister et les deux femmes survivre.
Ce thème de la parole est dépeint comme une arme à la puissance fondamentale. Elle blesse, libère, apaise ou détruit. En tout cas, elle doit être utilisée comme Benigno sait le faire, c’est-à-dire avec la plus grande sincérité, sinon elle entraîne la catastrophe. Il faut apprendre à parler même s’il n’est pas certain d’être entendu.
Le cinéma d’Almodovar n’a jamais cessé de devenir meilleur.
Ce cinéaste se concentre sur ce qu'il sait faire de mieux : créer des personnages qu'il aime en les mettant au service d'une histoire qu'il raconte avec talent et enthousiasme. Le baroque et l'excès qui le caractérisaient il y a encore quelques années, font aujourd'hui place à un style épuré qui n'en oublie pas pour autant les audaces formelles et les trouvailles grandioses qui s’intègrent parfaitement dans le récit.
Le propos d’Almodovar renforce son caractère subversif parce que l’outrance s’efface peu à peu au profit d’un ton plus crédible.
Pierre Silvestri
posted by Pierre at 23:32| 奈良 ☁|
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